Le silence, du calme, un quartier épargné par les mouvements et les grandes dynamiques urbaines. Arrivé à maturité, se suffisant à sa forme actuelle, ce paysage urbain évoque un sentiment de mélancolie. Elle stimule une première géographie, ces effets ne pourront se dissocier de la synthèse du projet .Cet affect singulier devient un élément prégnant du discours. Le projet devient un milieu dans lequel s’enchevêtrent des discours hétéroclites et des systèmes spatiaux adéquats. Des histoires se combinent dans une liberté d’expérimenter alliant plaisir de la synthèse et jeu des hétérogènes pour tracer sur la feuille de curieux plans de composition : l’inattendu, l’imprévisible peuvent affecter sous de nouveaux modes rendus possible par l’architecture. L’architecture devient semblable à l’ordre du monde, le reprend en elle et le fait basculer dans son firmament interne où scintillent les visibles étoiles1 de telle sorte que chacun puisse vibrer et résonner avec sa condition humaine et avec le cosmos.
Il ne s’agit plus de rester dans une mimésis stérile2 mais d’inventer de nouvelles topographies où le secret se substitue à l’ordre institué ou aux notions de droits (privés/publics). La dissimulation ( qui se substitue à la notion d’intimité sociale) et le mystère (et son dévoilement) renversent la rationalité d’un espace social maîtrisable.
Ces nouveaux topos signalent un travail à l’intersection de deux formes d’espaces d’habitation. Le projet conjugue la densité du logement collectif et la topologie plus complexe de la maison. L’architecture hybride affirme ses propres qualités, sa présence au monde et ne peut plus se distinguer formellement de chaque genre génétique. L’architecture n’est plus le simple résultat d’une addition, d’un collage d’éléments épars qu’une analyse rationnelle ambitionne. Parce que loin d’une autre mimésis, le mélange des genres obéit à un régime de synthèse dans lequel des intentions qualifient des présences au monde.
Une tactique de la révélation et de la dissimulation s’impose naturellement en articulant des systèmes spatiaux adéquats, précis et définis. L’adéquation se réalise grâce à une certaine élasticité des idées. Le fruit de l’expérimentation rend compte d’une genèse du complexe favorable à de nouvelles formes d’habitats, c’est à dire de présence au monde.
L’architecture s’étend jusqu’au cœur des aires d’intervention en colonisant toute l’étendue proposée, en s’enfonçant dans un continuum spatial et historique, en reformulant la fonction des murs agricoles originels , en proposant une grande diversité des déplacements corporels, s’inspirant de la richesse topographie naturelle (l’infinie quantité de réalités du monde fini3). Des actions se sont engagées (trouer/ séparer/ envelopper/ plier), des reformulations ont opérées (mur à percer/ sol troué, enfoncé, creusé). Des scénarios de déplacement se sont mis en place. Des seuils/ des transitions/ du haut vers le bas/monter/ descendre/de dessous /chez soi. On traverse des épaisseurs et on retrouve des patios engoncés au fond d’une venelle. Pour sédimenter tous ces scénarios et bien d’autres que le projet permet (système non clos mais perméable), on plie l’épiderme de béton. On le troue pour pénétrer. De nouvelles lignes de forces apparaissent, accentuant cette directive spatiale et historique (agricole) du mur à percer par l’entraide de patrons similaires au travail des couturiers. On se déplace, voyage intensif et immobile de la schize4 pour replonger dans la peau d’un autre. On imagine l’enveloppe comme un voile de tissu fait de découpes et de pinces afin d’étendre le corps. Le secret des lieux s’esquisse, l’équilibre des contractions et des plis du dehors et des obligations du dedans renouvelle les affects urbains.
Enfin des typologies seront creusées, d’autres pliages seront suspendus à ces dernières mais toutes convergent vers la ligne de fuite des récits capable d’inventer d’autres espèces d’habitats.
1 Michel Foucault, Les mots et les choses, ed Gallimard, col Tel, 1966 pp 35-36
2 Peter Eisenman : lire la MimESis: cela ne veut rien dire, essai sur l’œuvre de Mies Van Der Rohe, à sa carrière, son héritage et ses disciples, Ed du centre Georges Pompidou, Col monographies, 1987 : pp 92-104, traduites par Jean-Louis Cohen.
3 Spinoza, Ethique, Ed du Seuil, Col point, 1988.
4 Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille plateaux, Ed de Minuit, Col Critiques, pp 592-625